Coptes d’Égypte: un quotidien rythmé par la discrimination et les persécutions
Une photographie de l’intérieur de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul après l’explosion qui a fait au moins 25 morts au sein de la communauté copte orthodoxe, le 11 décembre 2016 au Caire, en Égypte.
Les coptes ont été visés par un attentat dimanche 11 décembre 2016 au Caire, la capitale égyptienne. C’est l’attaque la plus meurtrière dont a fait l’objet la plus importante communauté chrétienne d’Orient, discriminée et persécutée depuis des décennies.
Au moins 25 personnes ont été tuées et une trentaine blessée au Caire, selon le bilan provisoire de l’explosion qui a eu lieu dans la matinée du 11 décembre 2016 à l’intérieur de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, chapelle attachée à la cathédrale Saint-Marc (siège du pape de l’église copte Tawadros II). Le drame s’est produit pendant le culte, dans la section de l’église réservée aux femmes.
C’est la troisième explosion enregistrée cette semaine au Caire mais c’est surtout l’attaque la plus meurtrière contre cette communauté chrétienne depuis 2011. Dans la nuit de 1er janvier, l’explosion d’une voiture piégée devant une église copte d’Alexandrie avait fait 23 morts et 79 blessés.
Une litanie de persécutions
L’attentat du Caire est le dernier en date d’une série d’attaques contre la plus importante communauté chrétienne du Moyen-Orient, de plus en plus persécutée en Égypte. Récemment encore, en juillet 2016, les coptes avaient été victimes d’une vague d’attaques dans le sud égyptien.
Toujours dans le sud, en mai, «sept habitations appartenant à des chrétiens (avaient) été incendiées (…) et une femme y a été agressée par des habitants qui soupçonnent son fils d’entretenir une liaison avec une musulmane», précisait alors un communiqué de l’église copte orthodoxe.
«La discrimination envers les coptes est omniprésente en Égypte depuis des décennies. Sous le régime du président Hosni Moubarak, au moins 15 attaques de grande ampleur ciblant cette communauté ont été recensées, et la situation ne s’est pas améliorée avec l’arrivée du Conseil suprême des forces armées (CSFA), ni avec l’élection du président Mohamed Morsi», soulignait Jean Maher, président de l’Organisation franco-égyptienne pour les droits de l’homme (OFEDH) et cofondateur et secrétaire général de la Coordination chrétiens d’Orient en danger (CHREDO), dans un entretien accordé au Figaro en 2015.
La révolution de 2011 et la conquête du pouvoir par les Frères musulmans marque un tournant dans la violence dont font l’objet les coptes, une communauté marginalisée et faiblement représentée dans les institutions. Les Chrétiens d’Égypte, qui sont dans leurs grande majorité coptes orthodoxes, représentent environ 10% d’une population estimée à plus de 90 millions d’âmes.
«Durant un an de règne (2012-2013) de l’islamiste Mohammed Morsi, toutes les prémices d’un génocide à l’arménienne pour les coptes étaient là: radicalisation des discours dans les mosquées, incendie d’églises, déportation forcée de villages, destruction de commerces, kidnapping des filles mineures avec conversion et mariage forcés, humiliation de l’image symbolique du pape, appels à quitter le pays», souligne Jean Maher.
Beaucoup de coptes prendront d’ailleurs le chemin de l’exil, notamment vers les Etats-Unis. En 2013, l’arrivée au pouvoir du général Abdel Fatah al-Sissi constitue un soulagement pour les dignitaires et les fidèles chrétiens qui aspirent à plus de protection contre les islamistes radicaux. Mais les attaques ne cessent pas pour autant.
Les tensions entre chrétiens et musulmans sont plus fréquentes dans les zones rurales où les premiers, privés d’églises, sont souvent contraints de prier dans leurs maisons ou dehors.
«Depuis que le président Mohamed Morsi a été destitué le 3 juillet, les attaques inter-confessionnelles visant les coptes ont fortement augmenté, tandis que les forces de sécurité se sont montrées incapables d’intervenir pour mettre fin aux violences», soulignait en août 2013 un rapport d’Amnesty International. «Depuis le 14 août (2013), des bandes ont incendié et pillé de nombreuses églises et des propriétés appartenant à des chrétiens à travers le pays», indiquait l’organisation.
Pour la présidentielle de 2014, les coptes ne cacheront pas leur soutien au général al-Sissi qui remportera le scrutin.
Égypte: Sissi, rempart contre les islamistes pour les coptes – Vidéo mise en ligne le 18 mai 2014 (AFP)
Menacée par les islamistes radicaux et les djihadistes
La communauté est également menacée en dehors des frontières égyptiennes: elle est devenue la cible des djihadistes. En février 2015, un groupe armé, qui a prêté allegeance au groupe terroriste État islamique (EI), diffuse une vidéo dans laquelle 21 hommes, en majorité des coptes égyptiens travaillant en Libye, sont décapités.
Le président Al-Sissi condamne l’attaque et apporte son soutien à la communauté copte. A l’instar de l’imam d’Al-Azhar, la plus haute institution de l’islam sunnite en Egypte, qui souligne que les meurtriers doivent être punis.
Si le rapport 2016 de l’Observatoire de la liberté religieuse a constaté une amélioration en Egypte en 2014 par rapport à 2013, grâce notamment au dialogue instauré entre les responsables chrétiens et le pouvoir, la situation demeure toujours inquiétante. En dépit des rappels à l’ordre du général al-Sissi. «Cela ne se fait pas de dire encore « c’est un musulman, c’est un chrétien »», déclarait-il le 21 juillet 2016. «Nous avons tous les mêmes droits».
Discriminations persistantes et attentisme des autorités égyptiennes
Cependant, Human Rights Watch a de nouveau épinglé l’Egypte pour une loi jugée discriminante envers les coptes. En août 2016, le parlement a adopté une nouvelle réglementation sur la construction et la rénovation des lieux de culte chrétiens.
L’ancienne «posait des restrictions importantes à la construction et à l’entretien des églises», explique la chercheuse Nathalie Bernard-Maugiron dans un article publiée sur Oasis Center.
«En application d’un décret ottoman de 1856, les chrétiens devaient obtenir une autorisation présidentielle pour construire une nouvelle église. (…) Avec cette nouvelle loi, la construction d’une nouvelle église est toujours soumise à autorisation préalable, mais la décision appartient désormais au gouverneur local – nommé par le président – et non plus au chef de l’État.»
«Si le Pape Tawadros et les dirigeants des deux autres grandes Eglises se sont dits pleinement satisfaits de cette loi, poursuit la chercheuse, les opposants leur reprochent d’avoir cédé aux pressions des autorités et affirment que ce texte n’apporte aucune amélioration par rapport au système antérieur».
Ainsi pour la députée Nadia Henry (affiliée au parti des Égyptiens libres), citée par la Nathalie Bernard-Maugiron, «ce projet imposé par l’Etat aux chrétiens et aux Églises codifie l’injustice et la persécution envers les chrétiens».
«Beaucoup d égyptiens ont espéré que les gouvernements respecteraient et protégeraient la liberté de religion, y compris celle des chrétiens après la révolution de 2011, soulignait en septembre 2016 Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Au lieu de cela, les autorités (…) envoient le message que les chrétiens peuvent être attaqués impunément»
Pour HRW, ces dernières «ont échoué pour ce qui est de protéger les coptes contre les violentes attaques. Elles ont préféré encourager des séances de « réconciliation » avec leurs voisins musulmans qui prive les coptes de leurs droits et permettent à leurs agresseurs d’échapper à la justice. Dans certains cas, les chrétiens ont été obligés de quitter leurs maisons, leurs villages ou leurs villes».
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et l’armée égyptienne, tout comme l’imam d’Al-Azhar, ont condamné l’attentat du 11 décembre 2016. L’Égypte a déclaré trois jours de deuil national.
Source : France Info , Article de Falila Gbadamassi publié le 11 décembre 2016